III/ La montée en spirale vers le retournement

A) L’histoire avance telle une spirale

Teilhard de Chardin, Jésuite, représente le mouvement de l’histoire comme un cône.

Ce cône voit son point ultime avec l’avènement de l’oméga : la parousie.

On voit ainsi l’enjeu de l’apocalypse qui signifie dévoilement où « Dieu sera tout en tous ».

Le cône se resserre lorsque le chemin de l’histoire va dans le bon sens où au contraire s’écarte à la base lorsque l’on s’éloigne de l’achèvement.

Dans le même sens on peut reprendre l’image de la spirale pour représenter le fil de l’histoire.

Chaque moment de l’histoire se répète de générations en générations, que ce soit dans le domaine de la culture, du pouvoir, des inventions, des guerres, mais avec à chaque période une inflexion, des changements,  qui font  que l’on rentre dans une nouvelle courbe de l’histoire.

Ces courbes peuvent être le fait de verrouillage temporaire, de locking au sens de Paul David autour par exemple de trajectoires énergétiques, financières, agricoles. (Nous serions ainsi dans la trajectoire « thermo /industrielle »)

(Ces notions de trajectoires sont proposées par Pablo Servigne et alii). Ces cycles sont les courbes les bras de la spirale.

L’histoire est ainsi faite de Path dependanth, de dépendance envers le sentier.

Ce qui signifie que des évènements qui sont arrivés dans le passé vont engager pour une longue période le futur.

(Paul David, économiste Américain, prend l’exemple du clavier QWERTY qui était conçu au départ pour ralentir la vitesse de frappe pour ne pas bloquer la machine à écrire et qui est devenu ensuite la norme des claviers.

Dans une conférence il prend aussi l’image d’une marre d’eau dans le désert qui s’est constituée suite à une averse et qui oblige les voyageurs à la contourner ce qui crée un chemin qui du coup deviendra la voie de passage habituelle.

L’histoire avance donc en spirale ou les trajectoires dépendent des évènements passés qui enferment le cours de l’histoire sur une longue période. (D’où l’expression de locking, de verrouillage).

On retrouve aussi  l’approche en terme de cycles dans les travaux des historiens Peter Turchin et Sergey Nefededov «  qui décrivent  l’histoire récente comme une succession de phases de surplus et de déficits économiques (et énergétiques !) c’est-à-dire en cycles d’essors et de déclins structurellement semblables ».

L’Angleterre médiévale,(le cycle Plantagenêt) et prémoderne ( le cycle Tudor-Stuart), la France médiévale( le cycle Capétien) ou la Rome antique (le cycle Républicain) entre autre, ont toutes traversé des phases d’expansion , de stagflation, de crises et de déclin » (Ces travaux sont synthétisés par Pablo Servigné et Raphael Stephens dans « Comment tout peut s’effondrer » (note de bas de page)).

B) L’illustration de la spirale sur le plan économique

 On peut  également illustrer cette analyse en termes de cycle et de spirale  en développant cette idée sur le plan économique.

On   se référera ici au modèle de Carlota Perez qui part elle-même des travaux de Schumpeter.

Schumpeter avait montré que les cycles économiques de 50 ans environ (cycles Kondratieff) étaient dus à un processus de « destruction créatrice » : des innovations qui arrivaient en grappes se diffusaient à tous les secteurs économiques et tout en rendant obsolètes certaines activités (destruction) généraient de nouvelles phases de croissances.

Il distinguait cinq types d’innovations (exemples actualisés) :

-les nouveaux produits (voitures hybrides, téléphones portables)

-Les nouveaux types d’organisation des entreprises (multinationales avec filiales)

-Les nouveaux débouchés  (la Chine…)

-Les nouvelles sources d’énergie ou de matières premières  (vent, géothermie…)

-Les nouveaux procédés de fabrication (ex Fordisme, Toyotisme)

Les nouveaux produits par exemple généraient de nouveaux marchés qui entrainaient plus de production et donc plus de croissance.

Carlota Perez, prenant en compte l’importance des institutions, proposera une analyse renouvelée en montrant que face à des chocs technologiques les institutions, après avoir freiné le processus s’adapteront et permettront d’accéder à cette  phase propre à chaque cycle  qu’elle appelle « l’âge d’or ». (Voir dans tableau p56 phase synergie)

(Douglas North distinguait les institutions formelles (lois, règlements..) des institutions informelles (conventions, culture..). Thorstein Veblen parlait d’habitudes de pensée.

Les institutions chez North sont ainsi les règles du jeu.

On pourrait dire aussi qu’elles correspondent à tout ce qui contribue à la coordination des acteurs.)

On passe ainsi de paradigmes technicos / institutionnels en paradigmes technico / institutionnels où les techniques et les institutions se marient dans cette synergie.

Une crise correspond alors au « mismatch », au désajustement entre les techniques et les institutions.

Pour reprendre l’image de la spirale, la spirale verrait dès lors  coévoluer une combinaison d’institutions et de techniques à partir desquelles les décisions des acteurs fonderaient de nouvelles combinaisons d’institutions et de techniques.

Chaque cycle est caractérisé par quatre phases p47

Un cycle correspondant à l’installation d’un paradigme technico économique

1ere phase : période d’irruption

Juste après le big bang quand les nouveaux produits et les nouvelles technologies montrent leur potentialité pour le futur dans un monde encore formé par l’ancien paradigme.

2e phase : la phase frénétique

C’est la phase suivante d’installation du paradigme.

C’est l’arrivée des capitaux financiers pour financer les infrastructures et les nouvelles technologies.

Avec la montée de deux extrêmes, d’un cote les riches millionnaires de l’autre la montée de l’exclusion.

A la fin de cette phase le nouveau paradigme est fortement  installé et prêt à être déployé.

* le point de retournement : repenser le développement

Ce n’est pas une phase c’est un processus de changement contextuel

C’est là ou se prennent les décisions socio institutionnelles importantes ;

Il intervient généralement dans une période de récession après l’effondrement de la bulle financière ; Les bulles financières interviennent lors de ces innovations technologiques car elles attirent les investisseurs financiers.

Ces flux de capitaux font monter le cours des actions et cela se finit en un effondrement.

« La frénésie financière est une force puissante dans la propagation de la révolution technologique, en particulier ses infrastructures et la mise en valeur des nouveaux produits, des nouvelles industries »

C‘est une période incertaine ou peuvent être prises les bonnes décisions pour accéder à l’âge d’or ou au « contraire passer à une phase modifiée mais toujours instable de l’âge doré »

3e phase: la phase de synergie ou golden age

Toutes les conditions sont favorables à la production et le nouveau paradigme est prédominant. » Cela peut être une période où l’on se sent bien et où le système est sur et fier de lui-même comme dans la période Victorienne en Angleterre ou comme dans l’après seconde guerre mondiale aux USA ;

4e phase: la phase de maturité

Les derniers produits, les dernières technologies et améliorations sont introduites ; « des signes de stagnation des marchés apparaissent dans les principales industries de la révolution 

Voir tableau des cinq cycles p 57 in Technological Revolutions and Financial Capital  The Dynamics of Bubbles and Golden Ages.  Carlota Perez (2003)

Pour aboutir à l’âge d’or il faut que se produise un ajustement entre les techniques et les institutions.

Par exemple dans le quatrième cycle, âge du pétrole, de l’automobile, de la production de masse (USA puis EUROPE 1908-1960 /74) ;

des changements culturels et institutionnels ont du se mettre en place :

« Adaptation culturelle avec la logique des technologies impliquées ; un vaste processus d’apprentissage a du se mettre en place au sein des ingénieurs, des dirigeants, vendeurs…et évidemment les consommateurs à propos de la production et de l’usage des nouveaux produits »

« Des changements institutionnels  ont également eu lieu en matière financière, en matière d’éducation spécialisée, de mise en place de standards ».L’auteur cite aussi «  Le code automobile, les crédits à la consommation pour le paiement mensuel des automobiles etc. ».

Carlota Perez publie en 2003 son livre.

Elle notait alors que le cycle actuel fondé sur le potentiel de la révolution de l’information «  nécessiterait un réseau global d’institutions impliquant le niveau de régulation supranational, national et local »

Pour aboutir au nouveau paradigme technico économique l’auteur soulignait qu’il n’y avait pas de recettes toutes faites, la tache étant complexe et  nécessitant d’importants  « réglages ».

Avec la révolution numérique nous sommes encore dans cette phase de « réglage » des institutions.

La fiscalité sur les GAFA se met seulement en place.

Et dans le domaine culturel, les plateformes internet commencent à redonner du souffle au secteur de la musique.

C) Le temps des techniques et des institutions dépend de l’intentionnalité des acteurs

Le déverrouillage, le passage d’un cycle à un autre, correspond à l’analyse de l’évolution des techniques et des institutions.

Evolution qui se fera par le haut et par le bas, c’est-à-dire à travers d’un côté l’action des dirigeants et de l’autre l’action des acteurs individuels.

1) Le temps des techniques et des institutions :

Le changement, et donc la montée vers le retournement, viendra   fondamentalement de la codynamique des techniques et des institutions.

L’histoire des sociétés jusqu’à nos jours est la codynamique des techniques et des institutions fondée sur l’intentionnalité des acteurs.

Parler du temps des techniques et des institutions c’est s’intéresser à leur temporalité, leur codynamique.

C’est aussi  souligner  que nous sommes plongés dans un temps marqué par le primat des techniques et des institutions.

Comprendre comment s’opère la dynamique des techniques et des institutions peut permettre d’orienter leur évolution pour aller à terme vers un nouvel ajustement entre ces deux fondamentaux des sociétés  qui permettrait d’aboutir à ce que Carlota Perez appelle le « nouvel âge d’or « .

Ce nouvel âge d’or correspond ici à la montée vers le retournement.

Si l’on se réfère aux travaux recensés par Porta et alii 1999 il  existerait trois facteurs permettant d’expliquer les choix d’institutions : les  facteurs économiques, politiques et culturels auxquels on rajoutera l’impact de l’évolution des techniques.

Concernant le facteur économique le choix entre deux institutions  » se portera sur celle qui accroît le plus le bien être relativement aux coûts associés  » ( Antoine Imberti De quoi dépendent les choix d’institutions ? 2016) Par exemple la protection de droits de propriétés par l’Etat (institutions dont l’importance a été soulignée par les travaux du prix Nobel d’économie Douglass North) peut permettre d’éviter les conflits liés à l’appropriation des terres.

Ce qui engendre des bénéfices supérieurs aux coûts associés que constitue l’entretien des forces de police.

Vient ensuite le facteur politique:

On peut supposer que ce sont les groupes sociaux les plus influents qui choisissent les institutions en leur faveur de manière à  » se maintenir au pouvoir ou s’accaparer les rentes « ( A Imberti)

Par exemple les travaux de Ticchi et Vindigni, 2010 ont montré que le choix du mode de scrutin, proportionnel ou majoritaire, pouvait être fonction du niveau d’inégalité du pays.

Dans les pays à forte inégalité s’il existe une majorité le choix du mode de scrutin (majoritaire) permettra à cette majorité de  » se protéger au mieux des revendications des électeurs les plus pauvres  » en maintenant un système fiscal faiblement redistributif.

Joue également le facteur culturel.

Dès les travaux de Max Weber dans « l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (1905) ce facteur a été mis en avant.

Il montrait comment la recherche par les protestants des preuves de leur élection divine les motivaient à chercher des signes tangibles dans des réalisations concrètes; ce qui a pu être un moteur de fond du développement de l’esprit d’entreprendre et donc du capitalisme.

Plus récemment des études empiriques ont émis l’hypothèse que en comparaison du protestantisme , les religions catholiques et musulmanes  » avaient pour effet de renforcer l’interventionnisme étatique » (( A imberti se referant aux travaux de porta et alii)

 Les  » manières de penser  » ( qui sont elles mêmes des institutions au sens large ) peuvent ainsi évoluer et transformer le droit.

C’est dans ce cadre que l’on peut classer l’apparition d’une nouvelle logique:  » la logique écologique » qui a son tour fait évoluer les institutions inscrites dans le droit.

Enfin nous pouvons rajouter ici l’impact de l’évolution des  techniques sur les institutions.

Cela peut s’illustrer à partir de l’évolution du droit de la mer :

L’exploitation de l’océan pouvant être  » un des défis de l’humanité au XXIème siècle »  ( Bijuduval et Savoye 2001)

Nous nous référerons ici à l’écrit :

 La gestion des littoraux et des mers de

 Brice Trouillet, Thierry Guineberteau, Jacques Guillaume et Christine Lamberts in Mare economicum 2008 (direction Patrice Guillotreau)

« le droit de la mer, tel qu’il existe aujourd’hui, est à percevoir tant dans la continuité historique qu’en rupture avec celle-ci »

En continuité car le droit de la mer s’inscrit dans une longue genèse historique.

Et dans une double rupture car  d’un droit unilatéral on est passé à un droit international.

En outre on est passé d’enjeux stratégiques et militaires à des enjeux économiques.

Le développement des enjeux économiques a vu ainsi s’accroitre le droit de la mer : « d’une certaine manière, la complication progressive du droit humain témoigne également de la pression croissante exercée par les activités humaines ».

Ainsi notent les auteurs «  la sphère politico-juridique s’est développée en réaction aux progrès de la sphère scientifique et  techniques qui ont généré de fortes motivations économiques ».

On peut reprendre ici la citation de Beurier et alii 1998 « le parallélisme entre l’évolution du droit de la mer et celle des techniques maritimes : ces disciplines ont évolué de  façon proportionnelle, comme si le besoin de droit n’apparaissait qu’en compensation d’une évolution technique risquant de modifier l’équilibre naguère obtenu. L’extraordinaire avancée des techniques océanologiques, depuis 1960, ne pouvait qu’engendrer une ruée vers la mer elle même à l’origine d’une frénésie juridique, tant défensive de droits acquis pour certains, qu’acquisitive de droits futurs pour d’autres »

Dans la liste de l’évolution des techniques les auteurs relèvent

  • La pose de câbles sous-marins 1851
  • Les forages offshores USA 1947
  • Les récifs artificiels lancés au Japon à partir de 1952
  • les parcs éoliens offshores (première installation dans les eaux Danoises en 1991)
  • L’essor de l’aquaculture marine offshore

(Les auteurs soulignent également des « potentialités prometteuses » : micro-organismes, courants, houle etc.)

2) Ces choix des techniques et des institutions dépendent de l’intentionnalité des acteurs (voir article de Munoz)

(Passage technique: la lecture peut être reprise plus bas à 3) L’intentionnalité des acteurs renvoie à la causalité institutionnelle de Commons.)

Au sein de ces facteurs économiques, politique, culturels et techniques, ce qui prime de façon sous jacente c’est l’intentionnalité des acteurs.

C’est notamment ce qui ressort de travaux récents en économie :

Intentionality and technological and institutional change: Implications for economic development

Félix-Fernando Munoz, Maria-Sabel Encinar, and Nadia Fernandez-de- Pinedo. Working Paper 4/2014

Les auteurs font référence  au travail de Dopfter et Alii 2004 et Dopfer et Potts 2008 où les institutions et les technologies sont   des règles « meso generic » qui  coévoluent dans un processus d’émergence/dissémination/rétention et qui interagissant à la fois  avec le niveau micro à savoir les projets des agents « purposeful » et le niveau macro avec les propriétés du système.

Définition des « generic rules »  comme  « des procédures/démarches pour l’exécution des opérations économiques, c’est-à-dire, des transactions et la transformation des ressources» Dopfer and Potts 2009

Les règles génériques liées à l’environnement physique et naturel forment la technologie.

Les règles génériques liées à l’environnement social forment les institutions.

« Les principales règles dites génériques par rapport à l’environnement physique, naturel et social sont, respectivement, la technologie et les institutions »

L’évolution économique est celle de l’évolution des generic rules.

Ces évolutions sont issues des innovations qui sont introduites par des porteurs « carriers » qui émergent comme des conséquences inattendues d’interactions entre des agents et des règles.

Earl 2003 a présenté l’entrepreneur comme un constructeur de connexions a montré que la nouveauté pouvait être introduite par l’action intentionnelle d’un agent.

Schmitz 2013 a montré les limites de l’intentionnalité et de ses relations avec l’action : individus, groupes, institutions  p  (57 84)

Pour Dopfer et Potts (2008 :5) « l’évolution est le processus de l’adoption et l’incarnation des idées par de nouveau porteurs »

Ainsi pour créer de la valeur cela peut passer par l’incorporation des idées dans-

– la technologie (« capital goods »)

– le social avec les réseaux sociaux

– l’intériorité avec les habitudes d’action de pensée ou les routines organisationnelles

La structure analytique de l’évolution selon ces auteurs passe par les règles ou les idées « at the generic level » ; les « porteurs » (« carriers ») que sont les populations les individus ou les organisations qui portent les règles ; et les trajectoires c’est-à-dire le caractère dynamique des règles.

*Generic rules et évolution.

L’évolution est fondée sur l’innovation, la nouveauté : « novelties »

L’innovation est le plus souvent la combinaison d’éléments existants.

Elle est le fait d’agents qui portent cette innovation intentionnellement ou la conséquence d’interactions non prévues entre des agents et des règles

Ces innovations sont la source de la dynamique du système socioeconomique. Cela entraine une décoordination du système en mettant en cause sa cohérence.

Mais d’après Foster (2005) ; on aurait une nature adaptative du système qui permettrait un retour à une recoordination. Est-ce sur la base d’un parallèle biologique qu’il fonde cette hypothèse. En quoi le chaos est évitable par principe ?

Trois niveaux forment la dynamique du changement économique :le niveau micro/méso et macro

« Dans le domaine social,  l’unité méso stable au fil de temps est une institution.

Dans le domaine des phénomènes physiques et naturels, l’unité méso stable au fil de temps est une technologie »

Sur le plan micro se déploie les plans des agents et leurs interactions.

Le niveau méso constitue « the building blocks » de l’ordre macroéconomique.

Ainsi le niveau méso est la conséquence de la dynamique au niveau micro

Au niveau micro la dynamique d’une nouvelle idée ou d’une nouvelle règle se décline en trois étapes

Micro 1 La source de la dynamique est le résultat de la créativité (Koppl et al 2014 Day 2008 ou d’un acte entrepreneurial.

Micro 2 adoption par les moyens d’apprendre vf

Micro 3 retenu  et encastré en routines habitudes et croyances

C’est à ce niveau que les auteurs soulignent le rôle de l’intentionnalité des acteurs sur laquelle nous insistons.

Toute la logique créative est ici en jeu…

Ils proposent dès lors d’examiner l’interaction du micro niveau avec le méso niveau

Méso 1 émergence du niveau méso, comme résultant d’un acte entrepreneurial

Méso 2          adoption par une population de porteurs « carriers » comme phase de diffusion

Méso 3 Maintien

C’est dans cette dernière phase « où la population de la règle dite générique se stabilise dans les formes d’une institution et d’une technologie »

Vient ensuite le niveau macro caractérisé aussi par une succession de phases avec des trajectoires macro.

Macro 1 : correspond à la rupture de la cohérence. C’est la décoordination.

Macro 2 : recoordination. Caractérisée par l’ajustement à d’autres « méso units). (à travers la phase méso 2 caractérisée par la diffusion à travers les « porteurs »).

Macro 3 : le nouvel ordre économique.

L’interaction entre les différents niveaux prend plusieurs aspects.

Ainsi l’émergence des nouvelles idées pour créer des règles génériques (generic rules) se déploie dans un contexte d’interaction avec d’autres micro unités (comme les agents ou les organisations) dans un contexte institutionnel et technologique spécifique.

Rôle important également de l’’attente ou de la prospective des acteurs   concernant l’évolution de l’ordre économique général.

Les unités au niveau micro (les agents et les organisations), modèlent le niveau micro et meso et à travers le niveau meso transforment le niveau macro.

(voir figure 1 à partir de Dopfer et al 2004

Pour comprendre  le résultat de cette dynamique les auteurs se réfèrent à l’histoire à la fois

– au niveau micro qu’ils considèrent comme portée par l’histoire de affaires, des initiatives entrepreneuriales  (business history) ;

– au niveau méso qui est l’histoire des technologies  et des institutions

– et au  niveau macro qui correspond à l’évolution de l’ordre économique

Remarque : en se référant à l’intentionnalité des acteurs les auteurs ne reprennent pas pour autant à leur compte la méthode individualiste qui est propre au modèle de l’équilibre général qui correspond à un modèle qu’ils qualifient de fiction qui obère la nature essentielle de la dynamique économique.

Ils encadrent ainsi l’action des agents dans un contexte dans lequel le niveau micro méso et macro dépend de l’interaction des agents ;

Le développement économique est lié à l’émergence de nouveautés (novelties) au sein des règles.

Cela est dû selon les auteurs a des actions intentionnelles des acteurs et résulte d’interactions entre les agents et entre les agents et les règles.

La nouveauté étant due à des évolutions relevant du hasard ou des évolutions dans le domaine de la connaissance liées aux plans des agents.

Reprenant Metcalfe2004 et EARL 2003 les auteurs soulignent que la vraie nature de l’entrepreneur résulte dans les actions délibérées et intentionnelles.

Les auteurs reprennent la définition des generic rules qui expriment » ce qu’il faut faire, comment combiner les choses et comment produire de la valeur ».

Ces règles sont générées  et  acquises.

Pour eux les actions personnelles et intentionnelles forment le fondement de l’émergence de nouveautés dans les règles génériques.

« La nouveauté dépend principalement de l’intention objective des agents »  (Munoz and Encinar 2014)

Pour faire émerger un système recoordonné il faut qu’il y ait de nouvelles combinaisons « as a result of agents’ eminently deliberate actions »

Même un ordre spontané dépend de l’intention des agents

Ainsi le  résultat final d’un système ne correspond pas toujours à ce qui était attendu mais même là l’intentionnalité des acteurs est présente en amont.

La différence en ce qui était attendu et le résultat final enclenche un processus d’apprentissage.

(Rappel :

Les règles génériques liées à l’environnement physique et naturel forment la technologie.

Les règles génériques liées à l’environnement social forment les institutions.)

P13   p1

Concernant les technologies les auteurs reprennent la définition de Arthur2013 : les technologies sont les moyens d’accomplir les objectifs des hommes : cela inclus les dispositifs, les méthodes les procédés…

« Dans ce sens, la technologie incorpore/intègre toujours l’intentionnalité »

La technologie inclus à la fois le software (qui correspond à une série d’opérations) et le hardware (les équipements physiques)

 Arthur 2009 insiste sur le côté programmation de la technologie dans le cadre d’un objectif prédéfini : « dans l’absolue/essentiellement, une technologie consiste en certains phénomènes programmés pour une quelconque raison/objectif. J’utilise le mot “programmes” pour exprimer le fait que les phénomènes qui font fonctionner une technologie sont organisés dans une façon planifiée; ils sont orchestrés pour usage »

Ainsi l’introduction d’une nouvelle technologie au niveau méso 1 s’opère en amont dans l’invention au niveau micro 1. Au niveau micro 2 l’invention est apprise et au niveau micro 2 retenue.

Cette invention doit ensuite être diffusée par des usagers, des porteurs « carriers » de cette technologie au niveau méso 2

On peut, comme les auteurs se référer ici à Shumpeter 1934 qui montra l’importance des innovations.((in The theory of economic developpementg. An inquiry into profits, capital, credit, interest, and the business cycle –.)

Les auteurs en concluent que l’économie moderne est largement façonnée par les changements technologiques : « L’économie moderne est principalement modelée/façonnée par le changement technologique,  ce qui est à la base de tout développement économique ».

La venue de nouvelles technologies peut provoquer une rupture dans les technologies existantes.

Cela se produit dans le cas des innovations radicales (on retrouve ici l’approche de Schumpeter et de Carlota Perez).

IL s’opère ainsi un remplacement des anciennes technologies par les nouvelles qui serait à l’origine du développement technologique.

Mais le plus souvent le développement technologique s’effectue dans le cadre d’un processus cumulatif dans les productions, procédés et formes organisationnelles existantes ;

L’émergence de nouvelles technologies provoque ce qu’ils appellent des niches d’opportunités. Et peut éventuellement modifier les anciennes opportunités.

Cela amène ainsi la décoordination et à la recoordination du  niveau macro 1 et Macro 2 et dans le cas d’une innovation radicale du niveau macro 2

Ce processus séquentiel est ainsi à la base du changement structurel.

« Ce changement structurel est une conséquence et une cause de la génération constante/incessante de nouvelles combinaisons au niveau technologique et de dispositions (=arrangements) économiques et sociales (institutionnelles) » p15

Les changements technologiques ont ainsi besoin de changements institutionnels pour exploiter ces nouvelles opportunités et peuvent même générer ces changements institutionnels.

Dans notre approche, avec l’image de la spirale, les changements institutionnels sont à la base des changements technologiques qui à leur tour génèrent des changements institutionnels qui provoquent à leur tour des changements technologiques  dans le cadre d’un processus coévolutionnaire.

(Ainsi la mise en place des dispositifs institutionnels des pôles de compétitivité ou des cluster participent de l’émergence institutionnelle qui génèrent  des changements technologiques qui peuvent modifier les institutions formelles.

Par exemple les travaux de recherche effectués dans le cadre du Pôle de compétitivité Hippolia consacré à la filière équestre en France ont débouché sur des innovations en matière de gilets de sécurité qui ne sont pas encore homologués. Même chose pour des vans plus sophistiqués qui potentiellement dépassent le poids autorisé par la législation.

De même des innovations en matière de cinéma olphatiques dans le parc à thème de Vannes Ker consacré à la culture Celte se sont heurtées au rejet de la réglementation en raison du risque face à la réaction  des spectateurs devant des odeurs de feu.

Ces exemples dans le domaine des loisirs  montrent ainsi que des innovations technologiques peuvent déboucher à terme sur des innovations institutionnelles.  ) 

P 15 à 19

Les auteurs citent ainsi <Christopher Freeman and Perez 1988 qui expliquent que les technologies et industries clés nécessitent différents ensembles d’institutions qui leur servent de support.

Pour plus de détails sur ces questions les auteurs renvoient à Nelson 2008a ( (Economic Development from the perspective of evolutionary Economic Theory article qui évoque la coévolution des technologies (« firms and industry structure) et des  institutions variées de marché et hors marché.

3) L’intentionnalité des acteurs renvoie à la causalité institutionnelle de Commons.

Pour creuser l’importance de l’intentionnalité des acteurs on peut se référer à la notion de causalité institutionnelle chez Commons (Economiste Américain 1862-1945 l’un des fondateurs de l’institutionnalisme).

Causalité institutionnelle : la futurité chez J.R.Commons

Jean-Jacques Gislain (Université Laval (Québec,Canada) Economie et institutions n) 1er semestre 2002

Les activités humaines relèvent d’une logique de causalité volitionnelle de la futurité vers le présent.

Sens de causalité : la futurité conditionnant le présent.

La futurité est une projection dans un futur tel que l’acteur  se le représente actuellement.

La futurité est connaissable.

Ce sont les institutions qui donnent un contenu à la futurité et en conséquence à l’action dans les transactions. Commons parle de causalité institutionnelle.Le temps de l’action humaine relève ainsi d’une temporalité spécifique : la futurité (commons) ; Cette futurité est structurée dans un monde socialement construit, celui des institutions.

Théorie volitionnelle = Théorie de la volonté humaine.

Si les croyances qui guident l’action ne sont pas vérifiées passage à l’expérimentation pour construire une nouvelle croyance. (voir Aoki où les institutions sont vues comme la représentation d’un jeu partagé).

Comme le note l’auteur « la croyance subit un processus d’adaptation- évolution selon les besoins de survie de l’acteur »

Ainsi « la réalité » pour l’acteur, « c’est à dire l’ensemble de ses croyances sur le monde et qui lui servent de guides comportementaux relève principalement de résolution de problèmes de prédiction »

« Les possibilités d’agir de l’acteur, de déployer sa volonté dans le monde dépend de ses croyances, de la solidité et sécurité de ses anticipations sur l’évolution et les évènements à venir »

Nous retrouverons ici cette notion de volonté en proposant le concept de volonté de grandeur comme déterminisme fondamental de l’action humaine à côté de l’agapè.

Pour Commons « les hommes vivent dans le futur mais agissent dans le présent » Et Gislain d’expliquer que « les hommes vivent en se projetant dans leur futurité, en déployant leur volonté selon leurs croyances, selon leurs hypothèses habituelles, selon leurs attentes concernant les futures conséquences de leur action présente. »

De l’action individuelle Commons passe ensuite à la notion d’action collective ou instituée.

L’individu en effet n’est pas un esprit autonome mais c’est un être « institué »

L’homme déploie ainsi sa volonté en en tenant compte des coutumes, des « rôles sociaux « constitutifs de sa personnalité en société ».

 L’homme déploie sa volonté « selon les coutumes en vigueur » L’individu agit ainsi au sein d’une réalité déjà instituée qu’il « contribue lui-même à façonner ».

L’institution est ainsi chez Commons « l’action collective en contrôle de l’action individuelle » ; ou pour reprendre toute la citation « Si nous nous efforçons de trouver un principe universel, commun à tout comportement considéré comme institutionnel, nous pouvons définir une institution comme l’Action Collective en Contrôle de l’action humaine » (1934 ,69)

Dès lors nous retenons que la futurité, ce déploiement de la volonté dans le futur s’opère dans un cadre institué. L’action qui en découle allant elle-même transformer cette réalité.

Concernant l’innovation technique (qui constitue, à côté des institutions le grand mouvement de l’histoire), celle-ci s’opère dans un champ institutionnel qui connait lui-même des transformations.

L’innovation technique s’appuie sur des acteurs dont la volonté de grandir en cité : cité marchande, industrielle, inspirée, s’inscrit précisément dans le cadre de ces cités instituées elles même fruit d’une construction historique.

Ces cités ressemblent à ces domaines de jeux partagés d’Aoki, ensemble d’accords sur le jeu dont la dynamique est analysée par Aoki : 

4) Approfondir l’intentionnalité des acteurs par l’analyse de la « psychologie des buts ».

Pour poursuivre sur l’importance de l’intentionnalité des acteurs et de leur volonté on peut se référer ici à l’ouvrage collectif « The psychologie of goals » (edited by Gordon B. Moskowitz & Heidi Grant ; 27 février 2009)


Définition des buts :

« Les buts sont l’objectif final de l’action adoptée. La cause même de l’action ».
.

Ainsi  » à travers nos buts, toutes nos pensées, croyances, désirs et craintes sont transformées en action »
Les buts relient la personne à la situation
« Goals connect the person to the situation »:

Dans l’introduction les auteurs soulignent l’importance  de la faisabilité des buts.

Ainsi le sens  de la poursuite des buts dépend en partie de la faisabilité pour chacun d’atteindre ce but. »

Des 1958 Heider a synthétisé cette idée par le concept    « Can »



Vient alors le cas de la coexistence de plusieurs objectifs virtuellement en compétition les uns avec les autres cf. chap. 13

Ainsi dans leur modèle de l’action Heckhausen et Gollwitzer 1987 font état que  » une personne peut émettre plusieurs aspirations et désirs qu’elle ne pourra pas réaliser en même temps « 
Ainsi le critère de la faisabilité ressurgit pour discerner sur le choix à prendre.

Atkinson 1964 renvoie  également au critère de l’intérêt, l’avantage  (« désirability ») et de la faisabilité.

Les buts donnent un sens.

Les buts donnent un sens pour une activité.
L’importance des buts est ici soulignée, sinon on est mal préparé à agir autour de soi.
 » Nos buts sont instrumentaux car ils nous indiquent des façons réalisables et appropriées d’agir dans notre environnement »

Néanmoins, au-delà des seules variables de  » desirability  » et faisabilité d’autres paramètres doivent être pris en compte.


Ainsi  le type de plan qui accompagne la mise en œuvre de l’action influence cette dernière. Cf. chap. 14
Par ailleurs la théorie qualifiée de « planned behavior » examine pourquoi malgré le fait que l’on ait un but nous n’agissons pas toujours dans ce sens.




Goal and Consciousness

Le chapitre Goal and Consciousness insiste sur l’importance de l’inconscient dans la formation de nos objectifs.
Cf Uleman & Moskowitz 1994 « This work makes the point that our explicit goals lead to implicit cognition »

« Ce travail met en avant le fait  que nos buts explicites mènent à la cognition implicite »
Les auteurs suggèrent même que  » la cognition implicite sert un but explicite »
Ainsi nous ne serions pas toujours conscients de nos buts ni de ce que nous faisons pour poursuivre nos buts.
Néanmoins ils finissent par l’affirmation que « le but est d’acquérir du sens, nous le poursuivons sans cesse, et nous devenons habituel (vf) dans notre exécution »

  » The goal is  to gain meaning, we pursue it constantly, and we become habitual in our execution »

Bargh 1977 souligne en outre que le contexte peut jouer dans la détermination des objectifs chap. 5

En outre avoir des buts donne un sens pour l’action et donne le sentiment de contrôler  sa vie.
Et même si ce n’est qu’un sentiment, une illusion même, cela ne doit pas être considéré comme quelque chose de triviale. Selon Wegner  2002 p 342

Le livre fait aussi référence à « la main de Dieu ».p14
Notion sur laquelle nous reviendrons dans l’étude de la providence à la fin de cet écrit.


Dans le chap. 12 référence aux travaux de Sassenber et Moskowitz qui  analysent le processus de création qui fonctionne d’autant mieux que la recherche de création est implicite plutôt que volontariste :
(Don’t stereotype, think different. Overcoming automatic stereotype activation by mindset priming. Journal of personality and social psychology , 66 ,490-501)
De même Dijksterhuis et alii 200 soulignent que les procédés de réflexion et d’évaluation inconscient amènent à des choix plus pertinents que des choix soupesés consciemment.

Cependant les travaux de Chartrand et Bargh 1996 montrent que les buts conscients peuvent être aussi déterminants que ceux qui sont inconscients  

 Comment choisir des buts?

Selon Oettingen et Mayer 2002 il y aurait deux façons de se projeter dans le futur.
Soit par anticipation soit dans le registre du fantasme.


L’anticipation correspond  » à un jugement sur la façon dont certains événements ou comportements vont se produire dans le futur « 
Ceci est  fondé sur l’expérience  tirée du passé. Ainsi à partir de l’expérience d’une personne l’anticipation donne la probabilité qu’un événement se réalise ou non.

Dans une autre voie  ce qui relève du fantasme correspond à  » des événements futurs ou des comportements qui apparaissent en esprit »

Ces deux façons de se projeter dans le futur n’ont pas la même efficacité ni la même conséquence dans le degré d’implication.
L’anticipation permet d’avoir une bonne base pour l’action, tandis que l’action fondée sur le fantasme sera moins solide avec un degré d’implication et d’effort moindre.
P154

D) Le monde face au risque d’effondrement : la collapsologie versus la croissance différenciée.

La spirale verrait alors coévoluer une combinaison d’institutions  et de techniques à partir desquelles les décisions des acteurs fonderaient de nouvelles combinaisons d’institutions et de techniques :

L’action des acteurs se déploieraient au sein du monde économique, politique, culturel et technique/

On retrouve ainsi le déploiement des grandeurs marchandes, industrielles  pour le monde économique, civique pour le monde politique, inspirée pour le monde culturel et technique.

1) La collapsologie ou le risque d’effondrement.

Mais alors que la révolution numérique n’est pas encore digérée, le monde doit faire face à un nouvel enjeu planétaire, celui de la préservation de la planète : s’accumulent la perspective du réchauffement/dérèglement climatique, de la destruction de la biodiversité, de l’épuisement des ressources etc.

Face à ce mur de problèmes Pablo Servigné parle de risque d’effondrement du système (ce qui donne naissance à un nouvel objet d’étude la collapsologie)

Cet effondrement pourrait impliquer, outre la nature, l’économie dans son ensemble avec le risque de crise financière et la société dans son ensemble avec le risque de guerre.

Guerres liées notamment aux tensions sur les ressources comme l’eau ou tensions liées aux déplacements de population suite au dérèglement climatique sans parler des risques terroristes.

Le débat sur la collapsologie a été riche en 2019; plusieurs réactions se sont opposées.

Certains historiens   rappelaient que ces alertes sur de tels risques avaient lieu depuis au moins deux siècles.

D’autres proposaient de laisser souffler la nature et de réduire l’impact humain sur la terre.

Cela renvoie dès lors à de plus vieux débats sur les limites de la croissance et sur son inverse la décroissance.

Peut-être pouvons-nous proposer ici l’objectif de la « croissance différenciée ».

2) Plaidoyer pour une croissance différenciée.

Pour les productivistes la croissance serait l’horizon à atteindre pour pallier aux problèmes de richesses à distribuer et d’emploi.

Pour d’autres, avec à l’extrême les partisans de la décroissance, la croissance est mise au pilori car elle entraîne une disparition des ressources naturelles et de la biodiversité; elle crée ainsi des nuisances comme la pollution et les problèmes de santé qui s’y rattachent. 

Comment concilier ces deux approches ?

Ne peut-on imaginer une économie dans laquelle certains secteurs (nuisibles pour l’environnement) seraient en décroissance et d’autres qui connaitraient une expansion. On serait  alors en présence d’une croissance différenciée.

Les secteurs qui pourraient connaître un développement porteur de bien être seraient ceux des énergies renouvelables, de la santé, de l’agriculture équilibrée, ainsi que toutes les industries de la création.

Anne Gombault recense une dizaine de domaines qui relèvent de l’industrie de la création : « les arts visuels et le patrimoine; le spectacle vivant; les industries culturelles traditionnelles dont le cinéma et l’audiovisuel en général, la musique, l’édition, les jeux vidéos, les médias, etc.; les services créatifs comme le design, l’architecture, (…) , les relations publiques, les technologies de l’information et de la communication, l’éducation, la recherche etc.; les industries du goût comme l’artisanat, le luxe, la mode, la gastronomie,(…) etc.; les industries de loisirs et de divertissement comme  le tourisme, l’hôtellerie, le sport, les parc d’attractions, le jouet, les loisirs créatifs etc.. »

Dit autrement, le secteur économique en expansion est celui de l’expérience divertissante.

On  peut reprendre ici une citation  de Wolf 1999 11-21) : « le divertissement transforme présentement notre économie (…) Localement, globalement internationalement nous vivons dans une économie du divertissement »  « Le divertissement-pas l’automobile, ni l’acier, ni les services financiers- devient rapidement le moteur de la nouvelle économie mondiale …) Le divertissement se retrouve à l’avant-scène de la croissance économique et de l’évolution culturelle » Wolf parle alors de «  divertissementalisation »de l’économie (« entairtenmentalization of the économy ») .

L’offre d’expérience analysée par Pine II et Gilmore constituerait un « secteur économique en lui-même à côté de l’extraction de matières premières, la production de biens et l’offre de services ».

« Quand quelqu’un achète  une expérience il paie pour passer du temps à jouir d’une série d’évènements mémorables  qu’une entreprise met en scène (stages) – comme pour une pièce de théâtre -afin de l’interpeller (engage) d’une manière personnelle » (traduit par l’auteur).

Cette expérience doit interpeller le « destinataire »,  « émotionnellement, physiquement, intellectuellement ou spirituellement ».

Encore faut-il que cette expérience ne soit pas un simple prolongement de la marchandisation du monde à travers l’exploitation du temps disponible des personnes.

Il faut que cette expérimentation soit associée à la qualité.

Par exemple, après la phase de développement du tourisme de masse qui impacte parfois négativement la population et le patrimoine naturel et culturel d’accueil, on voit émerger d’autres formes de tourisme, le tourisme durable ou le tourisme vert ; le tourisme culturel etc..

3) Réponse au risque d’effondrement

Concernant le risque d’effondrement on peut reprendre ici l’analyse de l’économiste Jésuite Gael Giraud qui rappelle que les hommes ont su par le passé réagir face à des risques de grande ampleur.

Il cite le Japon de l’ère Tokugawa au  XVII e siècle « qui a échappé au risque de déforestation de l’archipel ».

Plus près de nous il évoque le Rhin qui a pu être dépollué « de la source à l’embouchure ».

Enfin le trou dans la couche d’ozone a pu être limité grâce à des accords mondiaux.

On voit avec ce dernier exemple que la contribution d’experts combinée à la pression de la société civile et à la prise de décision des politiques pouvait aboutir à des actions salvatrices à l’échelle mondiale.

On est sans doute en face de l’effondrement d’un système qui doit déboucher sur la mise en place d’un nouveau système.

Nous sommes ainsi en présence de ce que Jacques Attali appelait dans son ouvrage « les trois mondes » : la réécriture du monde »