Isaïe : « Les nations se tourneront vers lui. »

Homélie du moine Jacques-Marie Guilmard de l’Abbaye Saint Pierre de Solesmes

15 janvier 2023. 2e PA. A (Saint-Pierre)

Mais, le Serviteur de Dieu manifeste la gloire divine : En toi, je me glorifierai, c’est-à-dire à travers toi, ma grandeur divine sera manifestée aux nations. Car « c’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob, et ramener les rescapés d’Israël. » La prophétie voit loin : elle ne s’enferme pas sur Jacob ni sur Israël. La vision est déjà universaliste ; elle provient de la puissance divine. Néanmoins relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d’Israël est un préalable à la manifestation aux nations.

En quelques mots sont évoqués la double mission d’Isaïe : d’abord ramener à Dieu les tribus de Jacob. Ensuite : « Je fais de toi la lumière des nations, lumen ad revelationem gentium. » : c’est l’universalité du salut. « Les nations se tourneront vers lui. »

Sur le Serviteur annoncé, reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science et de crainte de Dieu » (Is 11, 2) ; ce qui deviendra dans l’évangile, la permanence de l’Esprit Saint sur le Seigneur Jésus.

Pourtant il y a une différence majeure. Pour Isaïe (11, 4), « le Serviteur jugera les faibles avec justice, il rendra des arrêts équitables en faveur des humbles du pays ; du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. » L’Évangile va beaucoup plus loin : l’Agneau de Dieu enlève le péché du monde.

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La 1re épître de saint Paul aux Corinthiens débute par le titre de Paul : il est apôtre, appelé à être apôtre. Comme Isaïe, Paul a reçu une vocation. Il doit l’accomplir. Sa vocation est en dépendance de la venue du Christ, l’Agneau de Dieu mentionné dans l’Évangile.

Cette péricope comporte, comme toujours au début des épîtres de Paul, une mention trinitaire. Le Christ revient toujours dans sa pensée. Apôtre du Christ Jésus, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus. Mais le Christ vient après Dieu le Père, et sous-entend l’Esprit – le Saint-Esprit qui repose sur Jésus, sanctifie ceux qui sont appelés à être sanctifiés par Lui, lorsqu’ils invoquent le nom du Christ. L’Esprit Saint est là, puisque c’est lui qui sanctifie. Les chrétiens doivent invoquer le Christ comme Seigneur, mais cela est impossible sans l’action de l’Esprit-Saint.

L’objectif de Paul est ancien, puisqu’il concerne l’universalité des nations. Mais sa mission est nouvelle, car il est apôtre du Christ, et non pas seulement de Yawhé comme dans l’Ancien Testament : il est apôtre de Notre Seigneur, et aussi l’envoyé du Père.

Ce cadre théologique permet à Paul de proposer à ses correspondants la grâce et la paix, dans un contexte juste : la source de la grâce et de la paix est le Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus Christ.

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Saint Jean au Jourdain maintenant, il baptise ; il appelle à rejeter le péché – le péché en général. Et voilà que lui arrive l’Agneau de Dieu.

La formule Agneau de Dieu est une expression formidable. Quel est donc l’Agneau divin qui enlève le péché du monde, qui enlève tous les péchés ? Cet Agneau est le Serviteur souffrant, l’Agneau immolé. C’est également l’Agneau vainqueur de l’Apocalypse. – Agneau, mot tout simple pour désigner une réalité proprement divine – seul Dieu enlève le péché.

Jean Baptiste parle du Christ comme d’un homme qui vient après lui. Mais le Christ est au-delà du temps, puisqu’il était avant lui, depuis toujours ; il était auparavant. Là encore, Jean Baptiste, en quelques mots, signifie l’éternité du mystère du Christ.

  • baptême, lui-même attiré par l’Esprit Saint – comme il sera attiré au désert pour subir une épreuve face à Satan.

Au baptême du Seigneur, il y a une manifestation trinitaire qui est à la fois grande et modeste. Elle est grande, car il y a une vraie manifestation de la Trinité : d’abord le Père et le Fils qui est son Élu, puis l’Esprit Saint sous la forme de la colombe.

Cette manifestation est modeste par sa forme : pour signifier le Saint-Esprit, ici une colombe et dans les synoptiques une voix.

La colombe vient du ciel, et elle demeure sur le Seigneur jusqu’à sa mort. A la Croix, au dernier moment, Jésus rend l’Esprit Saint à son Père, puis monté au ciel, il l’envoie aux disciples réunis au Cénacle, le jour de la Pentecôte : Lui seul baptise dans l’Esprit Saint.

Jean-Baptiste répète deux fois : « Je ne le connaissais pas. » On s’est interrogé sur l’ignorance de Jean-Baptiste, alors qu’il avait reconnu Jésus, le jour de la Visitation. Mais ici, il s’agit de la personnalité du Seigneur. Qui est Jésus ? Qui aurait pu connaître l’Élu de Dieu ? D’où venait-il ? Plus tard, les pharisiens vont reprocher à Jésus le fait qu’on sait d’où il vient ; si l’on sait d’où il vient, il ne peut pas être le Messie. On comprend alors l’insistance de Jean-Baptiste : Je ne le connaissais pas, j’ai été envoyé ; je n’ai pas agi de moi-même.

Ce baptême est une manifestation à Israël. Désormais, Israël sait que Jésus est l’Agneau qui sauve, que l’Esprit Saint repose sur lui, qu’il est l’Élu de Dieu, le Père.

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Les lectures de ce dimanche sont brèves et dépourvues d’emphase littéraire. Elles sont en parfaite cohérence ; elles nous introduisent dans le mystère de la vocation et du salut par le Christ. Elles nous font pénétrer dans la vie de la Sainte Trinité. Le Père, unique origine. Jésus – qui est envoyé – c’est l’Élu de Dieu, il est le Fils. L’Esprit qui repose sur Jésus et sanctifie.

Durant l’Année liturgique qui commence, il serait bon de se méditer souvent ces données de la foi chrétienne. Notre Seigneur est l’Élu, le bien-aimé du Père ; l’Esprit sanctifie tout ce qu’il touche.

On pourra aussi méditer sur la personne de la Vierge Marie : mère de l’Agneau ; mère du Fils bien-aimé ; elle a été recouverte par l’Esprit. Saint Paul, parlant de Jésus et de ceux qui invoquent son Nom, dit : « notre Seigneur, le leur et le nôtre ». La Vierge Marie est « Notre Dame, la leur et la nôtre ». Amen.